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Le journal Le Monde parle de nous..... l’opération MONGE et la cordée POLYECHNIQUE

Publication : (actualisé le ) par M. Gosset

Veuillez retrouver ci-dessous un article du journal Le Monde paru le 1 avril 2025

Au lycée François-Villon, un élève officier de l’X, en résidence dans l’établissement muriautin, dispense des cours de soutien et de tutorat afin que les élèves visent plus haut dans leurs choix d’orientation.

Par Soazig Le Nevé

Publié le 01 avril 2025 à 06h30

Tout au plus quatre années séparent Ali (les personnes citées par leurs prénoms ont souhaité rester anonymes) et les élèves du lycée François-Villon, aux Mureaux (Yvelines). A leurs yeux pourtant, lui, le polytechnicien de 20 ans, appartient à un autre monde. Depuis septembre 2024, l’élève officier est en résidence dans l’établissement, qui accueille un public défavorisé, avec un indice de position social (IPS) à 102, parmi les plus bas du département.

Dans le cadre de sa « formation humaine et militaire », passage obligatoire pour tous les étudiants de première année à l’X, Ali a pris ses quartiers dans la salle de travaux pratiques du lycée. Chacun peut venir le trouver pour éclaircir une notion de maths ou de physique, ou en cas de questionnement sur les choix de spécialité et sur l’orientation postbac. Il y dispense des cours de soutien, de tutorat, et de « prépa à la prépa », l’ensemble de ces initiatives s’inscrivant dans la « cordée de la réussite » qu’a nouée le lycée avec l’Ecole polytechnique, un dispositif de lutte contre l’autocensure se traduisant par un accompagnement à l’orientation.

Pour veiller à sa bonne intégration, Nathanaël Gosset, conseiller principal d’éducation (CPE), a tout prévu : « Ali a d’abord participé à un cours d’éducation physique et sportive, puis, pendant deux semaines, aux cours de mathématiques et de sciences physiques des professeurs volontaires, relate-t-il. Chaque année, c’est la même stupeur quand les polytechniciens découvrent la faiblesse du niveau des élèves en 2de, certains ne savent pas faire une multiplication. »

Codes à transmettre
Originaire du Maroc et premier de sa famille à faire des études d’ingénieur, Ali prend sa mission très au sérieux. « Je discute chaque semaine avec les professeurs de maths et de physique qui m’indiquent à quel chapitre ils en sont pour que je reparte des derniers cours qu’ont suivis les élèves », explique-t-il.

Dans les couloirs de François-Villon, pas de casquette, pas d’écouteurs, pas de bonnet ni de téléphone portable. Le CPE, qui officie dans le lycée depuis vingt-six ans, sait combien il y a des « codes à transmettre pour ne pas se retrouver en difficulté dans l’enseignement supérieur ». Car il existe une « frontière visible entre nos banlieues et le centre de Paris, et elle tient aux tenues vestimentaires et aux manières de parler ».

Au début de l’année scolaire, lors d’un cours de soutien, Ali a cherché à « impressionner » les élèves. « C’est pour leur montrer la beauté des maths, justifie-t-il. Dès la deuxième séance, ils ont admis que racine carrée de 2 est irrationnelle, et nous l’avons démontré ensemble. Je veux leur donner de l’ambition. » Chloé, en classe de 2de, suit le tutorat. « J’ai vu la difficulté des maths, ça me fait peur autant que ça me donne envie, confie-t-elle. En fait, j’ai un peu de mal à gérer la pression, car il y a beaucoup de stress et d’angoisse au lycée, notamment pour choisir les enseignements de spécialité. »

Après six mois de travail avec Ali, la jeune fille, dont les parents sont artisan boucher et femme de ménage, est plus motivée que jamais, « ambitieuse, peut-être même un peu trop », dit-elle. Viser l’Ecole normale supérieure, Sciences Po ou une faculté de droit parisienne lui est permis.

Pour Nathan, en terminale, les dés sont jetés : sur Parcoursup, il a formulé des vœux avec l’espoir d’intégrer une prépa mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur (MPSI). « Tous les mardis soir, je participe au dispositif “prépa à la prépa” avec Ali. On aborde des chapitres de physique ou d’optique, on travaille aussi de nouvelles notions. Entre 17 et 18 heures, après une journée, on n’est plus très frais mais je voulais être poussé intellectuellement. » Nathan a acquis par ailleurs une méthode indispensable dans l’enseignement supérieur : la prise de notes. « Je découvre la vitesse à laquelle ça va en prépa, j’étais prêt à prendre cette charge de travail en plus. Et je voulais aussi prendre conscience de ce qu’elle représentait », analyse-t-il.

« Travail et motivation »
Des sorties s’échelonnent au long de l’année, du championnat de mathématiques – les élèves de François-Villon sont arrivés en demi-finale – à la visite du campus de Polytechnique, à Palaiseau (Essonne). Une journée spécifique à l’X est consacrée aux filles « pour qu’elles découvrent qu’elles peuvent être ingénieures, si elles aiment les sciences, et pas seulement médecins ou vétérinaires », souligne Nathanaël Gosset, qui le constate, année après année : « Les élèves qui ont suivi du tutorat sont plus ambitieux dans leur choix d’études. C’est là que le plafond de verre se brise. »

Le CPE se remémore ces visages de lycéens, qu’il a vus évoluer grâce à une « cordée de la réussite » : « Je repense à Imran, qui réussit très bien en prépa MPSI au lycée Hoche, à Versailles. Il nous avait fallu six mois avant de lui faire prendre conscience que choisir un BTS aurait été du gâchis. Je repense à Ibrahima, admis à l’Ecole des mines, qui, dans un premier e-mail, m’a demandé pourquoi je l’avais poussé jusque-là, car “ce n’est pas fait pour [lui]” et qui, deux ans plus tard, me demande de partager son expérience à tous. »

Ce lundi 24 mars, Ali est accompagné d’Iris, une autre élève officière qui fait sa formation humaine et militaire chez les pompiers, comme « cheffe de camion ». Face à eux, 70 élèves de 1re, potentiellement intéressés par une école d’ingénieurs, à qui ils viennent de présenter les différentes façons d’y parvenir. « Est-ce que venir d’un quartier de banlieue est défavorable pour entrer en prépa ? », demande un lycéen. « Il faut vous enlever ça de la tête, lui répond Iris. Le seul critère qui compte, c’est le travail et la motivation. Ne choisissez surtout pas une formation parce que c’est la plus proche de chez vous. En prépa, vous aurez la possibilité d’aller à l’internat. »

Ali enchaîne : « L’internat, financièrement, c’est un avantage. Et puis, c’est indescriptible, j’y ai vécu des moments inoubliables, c’est là que j’ai commencé à tisser des liens de fraternité », narre-t-il. Bien sûr, c’était en pratiquant les mathématiques, au cours de « nuits blanches à faire des exercices ». « Quand il est 7 heures du matin et que vous avez fini, qu’il ne vous reste qu’une heure pour dormir… Ça paraît effrayant, mais en fait c’est très humain. » Etait-ce un signe d’approbation ? Dans l’assemblée, les lycéens de François-Villon ont applaudi.

Soazig Le Nevé